L'utopie, point de départ pour rêver Montauban
Partie 1
Qu'est-ce qu'une utopie ? Avant de désigner dans notre langage contemporain une chimère ou une vision impossible à atteindre, c'est, étymologiquement, un lieu qui n'existe pas. C'est dans ce sens que Thomas More invente ce mot, fondant le courant littéraire qui allait amener à imaginer une société différente.
Son œuvre, L'Utopie ou le traité de la meilleure forme de gouvernement, commence par une critique de l'Angleterre du XVIe siècle. Puis, un compagnon fictif d'Amerigo Vespucci, à la suite de son voyage vers l'Amérique en 1504, décrit l'île d'Utopie, de sa géographie aux mœurs et coutumes de ses habitants, en passant par leur système politique et économique. Les hommes ne sont pas tous égaux (il y a des esclaves, des criminels utopiens ou étrangers ou bien des esclaves venant d'autres contrées). La société, unie religieusement, ne connait pas la propriété privée et érige le travail en valeur cardinale. Cependant, les Utopiens n'ont que des métiers utiles et ne travaillent pas plus de 6h par jour, ce qui leur laisse du temps pour les loisirs, et notamment leur passion commune pour le jardinage.
Mais la simple évocation d'une société pourra être un outil de contestation. Ainsi, Rabelais décrit une abbaye dont la seule règle est "fais ce que tu voudras", Fénelon imagine une société de "bons sauvages", vivant dans un paradis terrestre où les hommes sont égaux. Il imagine également un autre pays gouverné par un monarque éclairé. Ainsi, l'œuvre utopique est profondément ancrée dans son époque, comme symptôme des préoccupations des philosophes, écrivains, bourgeois ou religieux.
Faisant écho à la description de la société décrite par Saint-Augustin dans la Cité de Dieu, les monastères réalisent un idéal de vie au Moyen Âge. C’est ainsi que l’abbaye de Montauriol observe la règle bénédictine.
Guidés par une foi quotidiennement remémorée, en réponse aux malheurs du temps, à l'organisation de la succession des familles, pour assurer leur salut dans cet autre monde après la mort, les moines et moniales intègrent des monastères. Ils se consacrent alors à la prière selon les prescriptions d'une règle. Cette règle, différente selon les époques et l'obédience du monastère, organise toute la société dans et autour du monastère, autorisant les moines à faire appel à des paysans, des tanneurs ou d'autres corps de métiers utiles dans leur vie quotidienne ou les exhortant à une vie d’ermite poussée à l’extrême.
Après l'apparition de la Réforme, ce courant religieux critiquant l'Église catholique et ses pratiques religieuses, Montauban prend fait et cause pour le protestantisme. Les catholiques sont chassés de la cité. Les pasteurs encadrent la société dans son ensemble tandis que la ville suit les prescriptions de la Confession de foi et de la Discipline ecclésiastique, vivant tel qu'ils le souhaitent collectivement. La reconquête catholique et les décisions politiques mettront fin à cet idéal de vie observé dans le Montauban du XVIe siècle.
Sélection de documents présentés
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MORE, Thomas, saint
Thomae Mori, angliae Ornamenti eximii […] adiuncto rerum notabilium indice : Utopiae libri II
Basil [i.e. Bâle] : apud Episcopium F., 1563
Utopia est une île, les récifs la protègent des intrusions. La propriété privée n’y existant pas, les maisons sont louées par tirage au sort et échangées entre les habitants. La société est patriarcale et les prêtres comptent parmi les notables de la société.
Pôle Mémoire – Mémo-Patrimoine, 40248
CYRANO DE BERGERAC, Savinien de ; et BECQUES, Maurice de (graveur)
L’Autre monde ou Histoire comique des Empires et États du Soleil et de la Lune
Clermont-Ferrand : Éditions des Moulins d’Auvergne, 1944
Écrit en 1655 par Cyrano de Bergerac, la mise en scène de deux sociétés utopiques (les États de la Lune et ceux du Soleil) retranscrit les préoccupations du siècle en imaginant d’autres formes de gouvernement et en bousculant les structures de la société.
Pôle Mémoire – Mémo-Patrimoine, FC 44618
SWIFT, Jonathan
Voyages de Gulliver
Paris : Delarue, 1870
Les Voyages de Gulliver évoquent les différentes sociétés. Inaugurant le genre de la dystopie, il décrit les Lilliputiens intrigants, puis les Laputiens seulement préoccupés par la science, et enfin les chevaux Houyhnhnms, certes philosophes mais si raisonnables qu’ils ne ressentent rien. Une exception : Brobdingnag, gouverné par des principes de sens commun, raison, justice et bonté. Ces géants, figures du passé, critiquent vertement l’Europe du XVIIIe siècle.
Pôle Mémoire – Mémo-Patrimoine, 44490
AUGUSTIN, saint
La Cité de Dieu
Paris : Club du livre, 1976-1977
La Cité de Dieu expose certes les bases de la doctrine catholique mais aussi une certaine idée de la République : une société forcément juste, dont tous les membres seraient liés par l’amour commun pour Dieu. Selon saint Augustin, sans justice, les citoyens ne peuvent pas faire société. Sa définition est telle qu’on ne saurait dire s’il envisage la République comme une forme d’État ayant existé.
Pôle Mémoire – Mémo-Patrimoine, 16169/1
Regula sancti patris nostri Augustini, episcopi et ecclesiae doctoris [Règle de saint Augustin]
[Manuscrit, XVIIIe siècle]
Une communauté monastique est définie par des règles : de grands principes qui indiquent le comportement à avoir, les tâches à accomplir et la manière de les faire, régissant la vie de toute la communauté. Saint Augustin, théologien catholique, a exposé dans ses différents ouvrages une vision de la foi.
Pôle Mémoire – Mémo-Patrimoine, MS 47
AUGUSTIN, saint
Sancti Aurelii Augustini Hipponensis episcopi operum tomus primus <–decimus>
Parisiis : excudebat Franciscus Muguet, 1679-1700
La Cité de Dieu, écrite par saint Augustin alors que la doctrine chrétienne est en cours d’élaboration, met en scène un monde où cohabitent les hommes et les anges, séparés non par le monde dans lequel ils vivent mais par leur but : leur propre confort ou la foi en Dieu. Chaque communauté essaie d’attirer de nouveaux membres. Les monastères et autres ordres religieux semblent avoir cherché à atteindre le camp des anges.
Pôle Mémoire – Mémo-Patrimoine, 1096
JOUGLAR, Bertrand-Alphonse
Monographie de l’abbaye du Mas-Grenier ou de Saint Pierre de La Cour…
Toulouse : Delboy, 1865
Fondée vers le Xe siècle, l’abbaye de Mas-Grenier est d’abord bénédictine. Elle subit de plein fouet les guerres de Religion. La ville est ensuite protestante, comptant parmi les places de sûreté (édits de 1576 et 1598). Rétablie en 1661, la communauté monastique est rattachée à l’ordre de Saint-Maur. Vendue à la Révolution, l’abbaye est reprise en 1921 par une communauté de Bénédictines du Saint-Sacrement.
Pôle Mémoire – Mémo-Patrimoine, FL 4283
DU MOULIN, Pierre
Bouclier de la foy, ou Défense de la confession de foy des églises réformées du Royaume de France, contre les objections du sieur Arnoux, jésuite…
À Genève : pour Pierre Chouët, 1654
Montauban, une des capitales du protestantisme du Midi, accueille une académie. Les étudiants en théologie y apprennent la rhétorique pour participer aux débats théologiques et aux joutes verbales avec les catholiques. Du Moulin est un des pasteurs les plus renommés en ce domaine. Nul doute que ses prêches ont été lus à Montauban !
Pôle Mémoire – Mémo-Patrimoine, RF 351 p. 1
Plan de la ville de Montauban et faubourg Villebourbon fortifiés
[Manuscrit, 1621]
Avec ce plan, nous retrouvons l’aspect que pouvait avoir Montauban au XVIIe siècle. La ville est protégée par ses murailles, qui sont le souci principal des Montalbanais pendant les guerres de Religion. Au centre, nous apercevons l’église Saint-Jacques. Le pont Vieux possédait à ses deux extrémités des portes. Nous remarquons également les faubourgs et plus particulièrement ceux du Moustier et de Villebourbon.
Pôle Mémoire – Mémo-Patrimoine, MS 454