Heurts et malheurs des grands idéaux

Retrouvez en version numérique quelques-uns des documents présentés dans l'exposition "Rêver Montauban, voyage d'hier à demain", proposée par le Pôle Mémoire de Montauban du 1er septembre au 18 décembre 2020.

Partie 3

Imaginant une société cauchemardesque du fait de la réalisation d'un projet politique, la dystopie répond à l'utopie. Autre écho, l'uchronie (le "non temps") envisage l'histoire passée, modifie un événement et invente des conséquences plausibles et logiques, Ces formes littéraires sont des réactions aux événements et aux idées du temps. La Seconde Guerre mondiale a ainsi inspiré de nombreuses œuvres.

Printemps 1940, huit mois après le début du conflit, des millions de personnes fuient l’avancée allemande pour trouver refuge dans le Sud. Face à l’afflux des réfugiés qui font presque doubler la population, les autorités de Montauban doivent organiser les services d’assistance : allocations, aides vestimentaire et alimentaire, réquisitions. Des organismes d’entraide de différentes origines ou confessions les accompagnent pour améliorer la situation.

L’Armistice du 22 juin 1940 signe la fin des libertés. Le maréchal Pétain investi des pleins pouvoirs collabore avec l’Allemagne nazie dans l’espoir de ‘’sauver la France’’. Cependant, les exigences des nazis soumettent le pays à une dure réalité : celle des restrictions (départ de la production française vers l’Allemagne nazie), des interdictions (des syndicats, du droit de rassemblement…), des mesures antisémites (statut des Juifs…) et de la répression (arrestation des opposants…).

Pour les Montalbanais, comme la majorité des Français, l’obsession première est de trouver de quoi se nourrir. Tous patientent de longues heures devant les magasins munis de leurs cartes de ravitaillement. Les prix exorbitants des produits vendus au marché noir ne font qu’accroître les inégalités sociales. Certains habitants profitent de la proximité de la campagne pour s’approvisionner auprès des agriculteurs, et ainsi, améliorer l’ordinaire. Mais en France, on manque de tout.

Les dangers et les menaces inspirent souvent la dystopie. Dès lors, la proximité du Musée Ingres-Bourdelle avec le Tarn ne peut qu’inquiéter…

À l’origine, le site sur lequel se dresse l’actuel Musée Ingres-Bourdelle accueille un ouvrage de défense inclus dans les fortifications de la ville. Fort inachevé au XIVe siècle, le site héberge voleurs et prostituées jusqu’au début du XVIe siècle. Face à la menace des guerres de Religion, il est réinvesti par les consuls afin de rétablir un système défensif. Après la capitulation de Montauban en 1629, le lieu est abandonné. Le palais épiscopal est érigé en ce lieu en 1680. Dès 1820, un musée des beaux-arts, conservant principalement des œuvres servant aux élèves de l’école de dessin, y est créé. Après le don du baron Pierre-Joseph Vialètes de Mortarieu, le Musée Ingres nait véritablement en 1867 avec le legs de Jean-Auguste-Dominique Ingres à la ville. L’établissement sera inauguré deux ans plus tard.

Les archives révèlent que l’eau a souvent été un danger pour le musée et ses collections. Celles-ci ne sont pas touchées par les inondations de 1930 mais la salle du Prince Noir souffre avec l’infiltration de 4 mètres d’eau. L’humidité est un problème récurrent pour le bâtiment et plusieurs tableaux, dont Le Songe d’Ossian, en portent les stigmates. En 1966, des fouilles sont menées afin de connaître les causes des infiltrations dans les sous-sols. Ces dernières semblent avoir été infructueuses puisque des problèmes d’humidité sont encore signalés en 1972.

Dès lors, une vision dystopique d’un musée Ingres-Bourdelle sous les eaux suite au dérèglement climatique ne serait malheureusement pas forcément si saugrenue.

Sélection de documents présentés

Cliquez sur les images pour les agrandir.

 

COLLI, Pierre ; SWIFT, Jonathan
Recettes estivales […] accompagnées d’une modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres d’être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public

Vannes-Conleau : Co-éditions L’Apuie-Tête & Pêle-Mêle, 2008

En 1729, ce pamphlet acide imagine une solution à la grande pauvreté des mendiants et paysans en Irlande. Énoncée sur un ton froid, cette solution consiste à manger les enfants d’un an, rendus bien dodus par leur mère.

Pôle Mémoire – Mémo-Patrimoine, FC 3

 

 

 

 

 

Photographie liée aux inondations dans le Sud-Ouest (mars 1930)

Dans la nuit du 1er au 2 mars 1930, le quartier de Sapiac est inondé. L’électricité est coupée tandis que l’eau continue de monter à Villebourbon. Le Tarn et ses affluents se déchaînent, drainant arbres, maisons et bétails sur leurs passages. Le pic de l’inondation est atteint le mardi 4 mars : 11,90 mètres à Villebourdon. L’inondation désole la ville sur 7 kilomètres, de la côte de l’Hermitage jusqu’à Verlhaguet.

Pôle Mémoire – Mémo-Patrimoine, RF 483

 

 

 

Sous la vague (d’après Hokusai) (2020)
Œuvre réalisée par le Département Arts plastiques de Montauban, classe de Julie Legal (cycle collège).

Les élèves, âgés de 11 à 15 ans, ont interprété une ancienne carte postale de Montauban qui représente le Tarn, le pont Vieux et le Musée Ingres. En s’inspirant des inondations historiques de 1930, ils ont imaginé Montauban submergée en conservant la structure initiale de l’image. À la manière d’Hokusai, ils ont ensuite décliné une couleur et développé le vocabulaire plastique de la ligne pour soutenir leur parti pris individuel sur ‘’La Grande Vague’’. Ces différents supports sont présentés côte à côté comme des vignettes marouflées sur une toile commune. Ainsi le regard du spectateur est-il amené à circuler d’un dessin à l’autre, d’une interprétation à une autre.

 

 

 

Avis de décès avec mention des effets personnels de Louis Sabatié (18 février 1944)

Cet avis de décès adressé au Maire de Montauban par l’administration pénitentiaire de Toulouse fait état des effets personnels de Louis Sabatié après son exécution à la prison Saint-Michel de Toulouse.

Pôle Mémoire – Musée de la Résistance et du Combattant, fonds Louis Sabatié 2 Z6/2-59

 

 

 

 

Carte de rationnement pour vêtements et articles textiles de Marie Bert (septembre 1944)

En février 1940, les Français découvrent les cartes de rationnement. Nominatives, elles permettent d’obtenir des tickets et des coupons pour des produits spécifiques. Le 9 mars 1940, un arrêté définit les catégories d’âges et les quantités de denrées correspondantes. Au fil des mois, les pénuries se multiplient. Dès novembre 1940, les vêtements se font aussi rares. Exigée par les Allemands, la carte de rationnement est assez bien perçue par beaucoup de Français qui y voient un rempart contre les excès.

Pôle Mémoire – Musée de la Résistance et du Combattant, 1Z17

 

 

 

 

Bons de solidarité (1940-1945)

Les bons de solidarité, vendus au profit des populations civiles éprouvées par la guerre et des prisonniers, n’ont aucune valeur monétaire. Ils constituent néanmoins un moyen d’entraide pour fournir un repas aux plus démunis. Ces bons sont également utilisés à des fins de propagande comme en attestent les symboles du régime de Vichy qui les ornent : les étoiles, la francisque, les feuilles de chêne et le portrait du maréchal Pétain.

Pôle Mémoire – Musée de la Résistance et du Combattant, 1Z116

 

 

 

 

 

Carte signalant la présence de la Wehrmacht et des SS dans le département
[s.l.] : Service du cadastre, 1950

Peu après l’arrivée de l’armée allemande, la Das Reich met en place 50 cantonnements SS dans le département. Des manœuvres d’entraînement et d’intimidation  de la population ont alors lieu dans les environs de Montauban, non sans occasionner des dégâts sur les habitations et les cultures. Aidés de la Milice française, l’occupant va traquer sans relâche, pendant deux ans, les maquisards et les populations juives du département. Ils commettront de nombreuses exactions contre les civils et les résistants.

Pôle Mémoire – Musée de la Résistance et du Combattant, 1Fi152

 

 

 

 

Correspondance de la Direction des Musées de France (21 janvier 1946)
[Manuscrit, 1621]

Avec l’entrée en guerre de la France, le patrimoine artistique est menacé. Les collections égyptiennes du Louvre sont ainsi mises en sûreté dans le Gers et 3120 peintures trouvent refuge dans l’abbaye de Loc-Dieu en Aveyron. Fin septembre 1940, les collections sont transférées de l’abbaye à Montauban. C’est ainsi que le Musée Ingres accueille  La Jonconde de De Vinci et La Dentellière de Vermeer. L’invasion de la zone libre par les Allemands provoque un nouveau départ de ces toiles.

Pôle Mémoire – Archives municipales, 1M109

 

 

 

 

 

Photographie du personnel recruté pour traiter les œuvres du Louvre installées au Musée Ingres (1940)

Les mauvaises conditions de conservation à l’abbaye de Loc-Dieu décident René Huygue et André Chamson (conservateurs au Louvre) à déplacer les œuvres à Montauban où se trouvent un  grand musée d’art situé non loin d’une caserne de pompiers. La ville met à disposition plusieurs salles pour les tableaux et des logements pour les gardiens et leurs familles qui ont suivi le Louvre dans l’Exode. Du personnel supplémentaire est également recruté pour le traitement des œuvres.

Pôle Mémoire – Musée de la Résistance et du Combattant, fonds Jacques Latu

 

 

 

 

 

Privations et réductions : guerre / écologie montalbanaise (2020)
Maquette réalisée par les élèves du centre Bellissen de Montbeton encadrés et aidés par leurs animatrices Isabelle Scott et Muriel Fauconnet.

Huit élèves de 15 à 18 ans ont réalisé avec des matériaux de récupération, de la terre et des végétaux, une maquette de la place Nationale relatant l’histoire de deux enfants.

Malgré les affres de la guerre, Paul et Lisette, jeunes montalbanais retrouvent régulièrement leurs amis réfugiés sur la place pour échanger sur un monde idéal où les restrictions et la guerre n’existent plus. En 1942, Paul ramasse un caillou brillant et se voir projeté avec Lisette dans un lieu étranger. Ils découvrent, émerveillés, une place totalement différente et font la connaissance d’adolescents militant pour la protection de la planète. Ils apprennent qu’ils sont en 2042 et que ce lieu est en danger… 

Pour cette production, les élèves ont travaillé sur le recyclage et le développement durable. Des séances au Pôle mémoire ont permis de choisir les cartes postales pour les façades et de comprendre la vie des Montalbanais sous l’Occupation. Cette période est représentée par un dallage en tickets de rationnement tandis que le Montauban de 2042 est une place végétalisée couverte de déchets.